Captage carbone : la révolution à saisir
Alors que le déploiement du captage de carbone nécessite des milliards d'euros d'investissement, le gouvernement prévoit de réduire ces investissements stratégiques. C'est pourtant nécessaire pour des secteurs comme le ciment, explique Xavier Guesnu, DG de Lafarge France.
Alors que le gouvernement s'efforce de réduire un déficit public abyssal, un autre impératif s'impose avec autant d'urgence : financer la transition écologique. Pour éviter un point de non-retour environnemental, il faudra mobiliser 300 milliards d'euros de dette supplémentaire en France d'ici 2030, selon l'économiste Jean Pisani-Ferry. Comment dès lors concilier ces deux priorités, qui semblent incompatibles ?
Le budget 2025 prévoit des mécanismes qui visent à éponger la dette plutôt qu'à financer la transition écologique. Malgré un volontarisme politique, l'enveloppe d'investissements stratégiques « France 2030 » serait réduite de 25 %. En annonçant 1,6 milliard d'euros d'aides publiques en plus pour décarboner l'industrie française, le gouvernement corrige la copie, mais est-ce suffisant ? Sous-investir aujourd'hui coûtera bien plus cher demain, les conséquences de l'inaction pèseront lourdement sur tous les citoyens. Nous avons besoin d'innovations pour enclencher la dynamique. Le captage du carbone représente une solution capable de décarboner notre économie mais aussi de la dynamiser.
Une révolution à financer
Cette technologie est un changement de paradigme industriel comparable à l'invention de la machine à vapeur. Elle permet de récupérer les émissions de CO2 puis de les stocker dans des formations géologiques adaptées, ou les réutiliser comme ressources. A la clef, une potentielle réduction des émissions mondiales de 15 % d'ici 2050. Bien que déjà éprouvée, son déploiement à grande échelle nécessite des milliards d'euros d'investissement. L'Union européenne commence à accompagner ce mouvement en débloquant des financements, mais qui doivent être complétés d'engagements nationaux. La Norvège, le Danemark ou les Pays-Bas ont pris une longueur d'avance avec des investissements massifs. Aujourd'hui, c'est la capacité de la France à jouer un rôle clé dans cette révolution industrielle qui est en jeu.
15 %
Le captage de CO2 pourrait permettre de réduire les émissions mondiales de CO2 de 15 % d'ici 2050.
Le secteur du ciment représente 6 % des émissions mondiales de CO2, ce qui souligne à la fois notre responsabilité dans la situation climatique et notre capacité à y apporter une solution. A notre échelle d'industriel, nous avons réduit en France nos émissions de 25 % depuis 2015, dont une baisse de 10 % rien qu'en 2023. Ces progrès sont le fruit de la modernisation de nos usines et d'innovations dans nos produits, comme le remplacement du clinker par de l'argile calcinée pour produire du ciment bas carbone. Nous accélérons notre décarbonation mais une partie des émissions restera toujours incompressible. Le captage du carbone sera donc indispensable pour atteindre les objectifs du secteur.
Un moteur de croissance pour les territoires
Le captage du carbone et la création des filières autour des centres de gestion du CO2 pourront à terme créer des milliers d'emplois diversifiés, de la recherche & développement à l'installation des infrastructures. Notamment dans les régions où le besoin de revitalisation économique est crucial, comme à Martres-Tolosane, où notre usine vient d'être lauréate du fonds pour l'innovation européen. Chaque euro investi dans le captage du carbone pourrait également générer 3 euros de retour à travers recettes fiscales et création de richesse. C'est une voie prometteuse pour stimuler l'économie tout en réduisant le déficit public.
"Cette technologie est un changement de paradigme industriel comparable à l'invention de la machine à vapeur."
L'heure n'est plus à l'hésitation. Acteurs publics et privés doivent agir ensemble pour accélérer cette révolution écologique. Investir dès aujourd'hui dans le captage du carbone pourrait permettre à la France d'atteindre ses objectifs climatiques et de renforcer sa souveraineté en se positionnant comme leader dans cette nouvelle ère industrielle.
Xavier Guesnu DG de Lafarge France (Groupe Holcim).